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Le 15 mai 1814, quelque part dans la forêt des Vosges

J’ignore si des yeux se poseront jamais sur ces lignes. Peut-être n’y a-t-il qu’une chance sur cent, sur mille ? Et même si quelqu’un les déchiffre un jour, même si quelqu’un parvient à me porter secours, quelle est la probabilité que je sois encore en vie quand sonnera l’heure de la délivrance ?

À peine ai-je tracé ces quelques mots en haut de ma feuille que, déjà, la folle vanité de mon entreprise m’éclate au visage. Déjà, je vois se briser la bouteille où j’ai imaginé enfermer ma missive ; déjà, je sens le papier se déliter dans le ruisseau que j’entends couler derrière la chaumière.

Mais je n’ai pas le droit de ne pas essayer.

Et vous, destinataire inconnu, vous n’avez pas le droit de ne pas me croire.

Même si mon histoire paraît invraisemblable, tout droit sortie d’un esprit tourmenté en proie aux hallucinations. Aussi, je vous en conjure, approchez plus près la chandelle, chaussez vos besicles s’il est besoin, et lisez-moi jusqu’au bout. Je n’ai pour vous convaincre que les dernières feuilles arrachées de mon carnet à dessin. Si je veux dire ici tout mon récit, si je veux restituer tous les détails qui vous permettront peut-être de me retrouver, il me faut écrire du bout de la plume, avec autant de délicatesse que les vieux enlumineurs.

L’espace m’est compté, et le temps aussi avant qu’ils ne reviennent…

 

ANIMALE

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