Eau d'Egypte très concentrée.png
 

Dès son arrivée au couvent trois ans plus tôt, pour suivre le cursus des cadettes, cette fille avait pris Blonde en grippe sans raison apparente. Était-ce parce qu’elles étaient si différentes, en bien des points le contraire l’une de l’autre ? Bérénice était vive (« nerveuse », stipulaient les rapports régulièrement remis par les sœurs préceptrices à la mère supérieure), un véritable feu follet qui faisait des étincelles face à la langueur de Blonde. Comptant parmi les pensionnaires les plus petites et les plus charnues, elle avait obtenu le privilège extraordinaire de porter des souliers à talons – un passe-droit qui témoignait surtout de la richesse de ses parents. De même, les autres pensionnaires la soupçonnaient de rehausser le rouge de ses lèvres au carmin, alors que les fards étaient censés être interdits au couvent.

Peut-être parce qu’elle bouillonnait à l’intérieur, Bérénice semblait avoir toujours chaud : été comme hiver, elle gambadait dans le jardin, relevant volontiers sur ses mollets épilés à l’eau d’Égypte la robe de serge grise qui tenait lieu d’uniforme aux couventines. Alors que Blonde, condamnée à rester à l’ombre du cloître pour protéger sa faible constitution, grelottait à longueur d’année sous des châles informes.

Telles étaient Bérénice et Blonde, la brune de feu et la blonde de glace, deux éléments chimiques contraires dont les rencontres ne pouvaient être qu’explosives.

 

ANIMALE

La malédiction de Boucle d'Or